ERENA

AT : Je fais un peu de provocation mais je trouvais que la réponse n’était pas à la hauteur des enjeux. J’ai bénéficié d’une intervention de Mr Gil au colloque de 13 centres de greffe pour parler transplantation et migrants. J’ai redécouvert le principe de subsidiarité. Le CCNE aurait pu nous parler du principe de subsidiarité, pour nous aider, nous donner des pistes de réflexion. QR : Vous avez un choix à faire d’un point de vue médical, vous avez peut-être des schémas, des stratégies qui amènent à certaines conclusions, on se rend compte que vous êtes confrontés à des questions politiques, économiques, éthiques et se rajoute là-dessus la notion de migrants. On peut, avec les chiffres que vous nous donnez, se demander : « est-ce qu’il ne va pas prendre la place de quelqu’un », mais d’un point de vue éthique, c’est un être humain au même titre que nous tous, j’imagine bien la difficulté. Le principe de subsidiarité pourrait être un point de départ, mais ça ne concerne pas que les médecins mais chacun d’entre nous ici. AT : Ce que ces deux cas illustrent, c’est une forme de solitude du médecin face à l’ensemble de ces enjeux, nous notre travail est de prendre en charge des patients, leur souffrance mais ce n’est pas forcément de tout intégrer : contexte économique, contexte de pénurie d’organes …. L’intérêt de ce soir c’est de montrer que nous les soignants nous sommes seuls. Pour poursuivre la réflexion, je vais peut-être caricaturer, mais je peux imaginer le futur de ce monsieur géorgien dont j’ai exposé le cas. Je crois que deux scénarios sont possibles. Scénario 1 Version Very Bad Trip On l’inscrit sur la liste d’attente et avec un peu de chance il va être greffé rapidement sauf que sa prise en charge sera difficile car il n’aura pas appris le français. La communication avec lui sera compliquée, il n’apparaîtra pas très sympathique, il restera renfermé, il ne cherchera pas à communiquer et du jour au lendemain nous n’entendrons plus parler de lui. Il sera parti dans son pays, il retournera en dialyse car il n’a pas pu avoir de médicaments. Scénario 2 Il a appris le français, il a été greffé. Il a commencé une formation en maçonnerie. Il s’est bien intégré, sa procédure de régularisation est en cours. Il s’est fait des amis, il a rencontré une jolie jeune fille. Avec laquelle il s’est pacsé, ils envisagent de se marier et d’avoir des enfants. Nous avons rencontré ces deux situations. Dans cette dernière version, on se dit :  « Je suis un docteur, je me moque qu’il soit migrant, je suis là pour sauver la terre entière. C’est le médecin dans sa toute puissance. Dans la version Very Bad trip , on se dit : « Est-ce que j’ai bien fait mon métier. Ce patient a bénéficié d’un greffon qui aurait pu être mis à un père de famille qui au lieu d’emmener ses enfants à l’école, doit continuer à aller en dialyse. » CS : Nous avons les mêmes histoires en hépatologie : ce sont souvent des patients ukrainiens et géorgiens. Je pense ainsi à un patient qui est resté toujours seul en France, et dont la femme est restée en Ukraine : c’est une situation compliqué pour la compliance au traitement immunosuppresseurs. Et je pense aussi à cet autre ukrainien, célibataire mais qui a rencontré une jeune femme : ils ont aujourd’hui un enfant de deux ans qui va très bien. Cet ukrainien a maintenant une famille et il est parfaitement intégré. En regardant la littérature, on retrouve les mêmes interrogations des équipes de greffe. Il y a toujours le souci du médecin de soigner. Aux Etats-Unis, ils interrogent le public en leur demandant « Qu’est-ce que vous feriez ? » 51

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