ERENA

CS : Avec les patients précaires, une fois que l’on est logé, on arrive quand même à avoir une prise en charge adaptée, cependant nous sommes plus prudents par rapport aux patients qui n’ont pas d’entourage familial et en particulier à la cirrhose liée à l’alcool. Dans ce cas c’est seulement un problème de précarité. Il faut que les politiques fassent quelque chose là aussi, nous faisons tout ce que nous pouvons mais s’ils sont toujours aussi précaires nous n’avancerons jamais. C’est de la pauvreté et la pauvreté c’est politique. QR : Quand vous vous réunissez pour une greffe, à quel moment intervient le côté migrant ? Vous avez dit que le côté économique arrivait en dernier, à quel moment intervient le côté migrant avec tout ce que ça comporte. Est-ce en premier point ou est-ce après avoir vu le cas clinique du patient ? AT : Pour que le patient soit mis sur la liste d’attente il faut qu’il soit depuis 3 mois sur le territoire et qu’il ait l’AME. C’est un problème qui se pose d’un point de vue administratif très vite. D’un point de vue prise en charge médicale, il y a le problème de la langue qui va se poser. Nous au niveau de la société savante nous pensons que c’est très important que le futur receveur commence à maitriser la langue car le traitement anti rejet se gère au téléphone : en consultation nous allons doser son traitement anti rejet et ensuite on rappelle le patient pour lui demander d’augmenter ou diminuer la dose. On aura besoin de faire une biopsie, on aura besoin d’expliquer, nous n’avons pas toujours le traducteur, donc nous considérons que pour une prise en charge médicale optimale il faut un minimum de maîtrise de la langue. C’est pour cette raison que notre société médicale recommande une maitrise de la langue. On peut m’opposer que, dans le serment d’Hippocrate, on ne dit pas que pour soigner quelqu’un il faut qu’il parle la même langue que vous ! CS : Nous avons des patients qui ne savent ni lire ni écrire et qui sont d’ici. Ils ont une aide et c’est la personne aidante qui remplit le pilulier. On appelle l’infirmière ou l’aide-soignante. J’ai un patient, il ne sait ni lire, ni écrire, mais il est très consciencieux, il sait qu’il a un foie greffé et qu’il doit faire très attention à son traitement. L’essentiel est d’être inscrit à l’AME. C’est compliqué bien sûr. Mais je ne pense pas que l’illettrisme soit un gros problème. QR : Je vais être provocateur ? Est-ce qu’il ne vaut pas mieux faire un chèque de 120 000 euros à Mme M et qu’elle aille se faire greffer en Géorgie ? CS : Elle sera greffée en Géorgie mais après elle ne pourra pas acheter son traitement. QR : Elle serait dans son milieu. CS : Je suis d’accord mais le problème en Géorgie, c’est qu’il faut avoir de l’argent pour pouvoir se soigner. Elle était coiffeuse, elle a tout vendu et elle n’a plus rien si elle retourne dans son pays. Elle a sa fille qui vit sa vie et elle n’a plus rien. QR (médecin) : La problématique en transplantation hépatique c’est qu’elle est vitale et donc, si on ne transplante pas, on meurt, alors que si l’on a une insuffisance rénale, on peut avoir une dialyse. Nous la greffe du rein c’est aussi pour faire retrouver une autonomie du patient. S’il faut une infirmière indéfiniment pour remplir son pilulier, on reste dans l’assistanat ! 56

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