ERENA

Trois mois plus tard il a bénéficié du dispositif soins urgents, il est en possession grâce à l’assistante sociale d’une attestation de demandeur d’asile, son dossier est en cours d’instruction ; il a dans cette attente un logement proposé par l’OFFI et il peut bénéficier de l’allocation pour les demandeurs d’asile en attendant que son dossier soit statué. Au bout de ces trois mois, il nous demande via son traducteur « est-ce que je peux être greffé » ? Que faire? 1) Lui dire que ça ne va pas être possible 2) Accepter en se disant que sa prise en charge coûtera toujours moins chère quand il sera greffé que quand il est dialysé. 3) Accepter sous certaines conditions nécessaires à la réussite de la greffe : essayer de trouver un travail, essayer d’apprendre un petit peu le français pour que l’on puisse communiquer correctement, avoir un toit pérenne pour pouvoir recevoir des traitements anti-rejets, ce qui est difficilement compatible avec des conditions de vie précaires. Quand toutes ces conditions seront remplies la greffe pourra être alors programmée. Voilà la vraie vie. Ces deux situations sont vécues régulièrement et la Société Francophone de transplantation a alerté le CCNE en 2018 en présentant, au moment des débats précédant la révision des lois relatives à la bioéthique, la problématique de la manière suivante : Depuis quelques années nous constatons l’afflux de patients réfugiés amenés par des passeurs (les amis qui déposent à la gare), arrivent dans nos services d’urgences dans des conditions de grande précarité, sont orientés vers des séances de dialyse immédiate et désirant rapidement s’inscrire sur nos listes de transplantation. Ces patients ne sont pas des réfugiés politiques, ils ont des problèmes de santé, en l’occurrence une insuffisance rénale. Ils sont pris en charge dans leur pays d’origine et ils viennent en France pour la prise en charge de leur insuffisance rénale chronique terminale . La dialyse et la transplantation sont prises en charge en France dans la cadre des affections de longue durée. Cette constance particulière justifie, selon notre société savante, le terme de réfugiés médicaux. Si la prise en charge médicale en dialyse de ces patients sur le territoire peut s’organiser malgré certaines tensions, leur prise en charge sociale est très variable en fonction des décisions locales et des préfectures. L’Ouest de la France est très concerné par ces patients venant d’Europe de l’Est . Nous avons souvent été tenus d’hospitaliser temporairement ces patients pour garantir qu’ils aient un toit et de la nourriture . Le point le plus compliqué est leur inscription sur la liste nationale d’attente de transplantation. La majorité de ces patients ne peuvent prétendre au statut de demandeur d’asile ; selon les termes de la loi, cette décision ou non d’inscription se pose au médecin et se place dans un contexte général de manque de greffons. Le rôle des médecins est de soigner ces patients quelle que soit leur origine, ce qui nous pousse à inscrire des patients sur la liste d’attente de greffes. Faut-il laisser ces dossiers gérés au cas par cas au bon vouloir des médecins, des ARS, et de la Préfecture ? N’y a-t-il pas une approche éthique organisée, généralisée sur le sol français permettant de répondre à ce problème humain dramatique qui dépasse largement les prérogatives d’un médecin ou de son équipe ? Les décisions relevant de l’équité de la répartition des organes appartiennent-elles au médecin ou à la société ? 46

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